mercredi 10 février 2016

Le Nom de Dieu est miséricorde

En ce mercredi des Cendres, nous souhaitons à tous un bon Carême ! Que ce temps favorable, "temps austère et joyeux", soit l'occasion pour chacun d'avancer avec toujours plus de confiance vers notre Père du Ciel et dans le chemin de la conversion. Que les cendres dont nos fronts seront marqués soient un rappel de notre pauvre condition terrestre marquée par le péché, mais aussi l'occasion d'un acte de foi en l'infinie miséricorde et l'immense tendresse de notre Dieu qui nous appelle à la vie.

Le Pape François nous y invite avec force en nous offrant ce Jubilé de la Miséricorde. Dans un livre d'entretien, il nous ouvre son coeur de pasteur, son désir profond de nous rejoindre chacun où nous en sommes.

Pape François, Le nom de Dieu est miséricorde. Conversation avec Andrea Tornielli, éd. Robert Laffont / Presses de la Renaissance, 176 pages (9782221192146).



Le thème de la miséricorde était présent dès le début du pontificat de François : "Le message de Jésus est la miséricorde. Pour moi, je le dis humblement, c’est le message le plus fort du Seigneur.” (homélie dimanche 17 mars 2013) et “Dieu ne pardonne pas avec un décret, mais avec une caresse.” (homélie à Sainte Marthe, 7 avril 2013). Il s'inscrit en cela dans la lignée de ses prédécesseurs : Jean XXIII dans son discours ouvrant solennellement le concile Vatican II, Paul VI dans ses Pensées sur la mort, saint Jean-Paul II dans l’encyclique Dives in misericordia disaient la même chose.

EXTRAITS


"[L’humanité d’aujourd’hui a autant besoin de miséricorde] parce que c’est une humanité blessée, une humanité qui porte de profonde blessures. Elle ne sait pas comment les soigner, ou bien elle croit que c’est impossible" (p. 37). "L’Église n’est pas là pour condamner, mas pour permettre la rencontre avec cet amour viscéral qui est la miséricorde de Dieu. Pour que cela se produise, il est nécessaire de sortir. Sortir des églises et des paroisses, sortir et aller chercher les gens là où ils vivent, où ils souffrent, où ils espèrent" (p. 74).

Mais en même temps : "L’Église condamne le péché parce qu’elle doit dire la vérité : ceci est un péché. Mais en même temps elle embrasse le pécheur qui se reconnaît tel, elle est proche de lui, elle lui parle dans l’infinie miséricorde de Dieu" (p. 72).

L'homme est toujours plus grand que son péché, il ne s'identifie pas à son péché, à sa souffrance, à sa blessure. On croirait entendre saint Benoît exhorter le Père Abbé, lui recommandant de haïr les vices mais d'aimer les frères. "Le relativisme aussi blesse les personnes : tout semble avoir la même importance, tout se vaut en apparence. (...) Pie XII disait que le drame de notre époque était d’avoir perdu le sens du péché, la conscience du péché. A cela s’ajoute le fait de considéré notre maladie, notre péché comme incurable, comme quelque chose qui ne peut être guéri ni pardonné" (p. 37).

Le chemin de miséricorde est un chemin de tendresse en vérité, mais aussi d'humilité : "Quand j’ai confessé, j’ai toujours pensé à mes propres péchés, à mon besoin de miséricorde ; et donc j’ai cherché à beaucoup pardonner" (p. 50). "Seul celui qui a été touché, caressé par la tendresse de la miséricorde, connaît vraiment le Seigneur. Le lieu où advient la rencontre avec la miséricorde de Jésus est mon péché" (p. 57).

Le péché peut venir de nos faiblesses et de nos blessures. Érigé en système, c'est la corruption.

"La corruption est le péché qui, au lieu d’être reconnu en tant que tel et de nous rendre humbles, est érigé en système, devient une habitude mentale, une manière de vivre. Nous n’éprouvons plus le besoin de pardon et de miséricorde, nous nous justifions nous-mêmes, et justifions nos comportements. (...) Le corrompu ignore l’humilité, ne considère pas qu’il a besoin d’aide, et mène une double vie" (p. 101). "La corruption n’est pas une action, mais un état, un état personnel et social, dans lequel on prend l’habitude de vivre. Le corrompu est tellement enfermé dans sa suffisance, et satisfait de celle-ci, qu’il ne se laisse toucher par rien ni par personne. (...) La corruption fait perdre la pudeur qui, elle, cache la vérité, la bonté, la beauté. (...) Nous devons le répéter : pécheur oui, corrompu non ! (...) Nous devons prier de manière particulière pendant ce jubilé, pour que Dieu crée une brèche, y compris dans le coeur des corrompus" (p. 104).

Alors qu'une conscience claire est un chemin d'humilité. "L’important, dans la vie de tout homme et de toute femme, n’est pas le fait de ne jamais tomber en chemin. L’important c’est de toujours se relever, de ne pas rester à terre à lécher ses propres plaies. Le Seigneur de miséricorde me pardonne toujours ; il m’offre donc la possibilité de toujours repartir" (p. 80). "Sans la miséricorde, sans le pardon de Dieu, le monde n’existerait pas, ne pourrait pas exister. En temps que confesseur, j’ai toujours cherché un rai de lumière, un interstice pour entrouvrir la porte et pouvoir donner le pardon, la miséricorde" (p. 48).

[Aux noces de Cana]. Le Seigneur ne fait pas jaillir le vin du néant, il utilise l’eau des récipients dans lesquels les gens se sont “lavés” de leurs péchés, l’eau qui contient des impuretés. Il accomplit un miracle avec ce qui, à nous, nous semble impur. Il le transforme, rendant évidente l’affirmation de l’apôtre Paul dans l’Épître aux Romains : “Où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé” (Rm, 5, 20). Saint Ambroise dit : “La faute nous a profité plus qu’elle ne nous a nui, car elle a donné à la miséricorde divine une occasion de rachat” (De institutione virginis, 104)" (p. 107-108).

En Jésus sont unis indéfectiblement la miséricorde et la compassion, le divin et l'humain : "La miséricorde est divine, elle a plus à voir avec le jugement sur notre péché. La compassion a un visage plus humain. Elle signifie souffrir avec, souffrir ensemble, ne pas rester indifférent à la douleur et à la souffrance d’autrui. C’est ce que Jésus éprouve en voyant une foule nombreuse (Mc 6, 34), en voyant une veuve qui a perdu son fils (Lc 7, 13). [C’est un amour viscéral, littéralement, qui prend aux tripes]. Dieu nous aime de cette façon-là, avec compassion et miséricorde" (p. 113).

Que faire durant cette Année sainte de la Miséricorde ? "S’ouvrir à la miséricorde de Dieu, ouvrir soi-même et son propre cœur, permettre à Jésus de venir à sa rencontre, en s’approchant du confessionnal avec confiance. Et essayer d’être miséricordieux avec les autres" (p. 119).

Le Pape nous rappelle (p. 120-122) les œuvres de miséricorde que la tradition de l’Église a toujours encouragé car elles nous libèrent de notre égoïsme et rendent notre cœur ouvert à l'amour de Dieu.

corporelle :
  • "donner à manger aux affamés,
  • donner à boire aux assoiffés ;
  • vêtir ceux qui sont nus ;
  • abriter les étrangers ;
  • visiter les infirmes ;
  • visiter les prisonniers ;
  • ensevelir les morts."
spirituelle :
  • conseiller ceux qui sont dans le doute ;
  • instruire les ignorants ;
  • exhorter les pécheurs ;
  • consoler les affligés;
  • pardonner les offenses ;
  • supporter patiemment les personnes ennuyeuses ;
  • prier Dieu pour les vivants et pour les morts."
"Dans l’accueil de l’exclu qui est blessé dans son corps, et dans l’accueil du pécheur qui est blessé dans son âme, se joue notre crédibilité en tant que chrétiens. Souvenons-nous toujours des mots de saint Jean de la Croix : 'Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour' " (p. 122).